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Episode 5 : la Renaissance, 1969 et les années 70
La moto devient un formidable symbole de liberté et de contestation dans le contexte d’après mai 68, et en 1969, c’est l’explosion d’une bombe : Honda étonne avec celle qui est devenue un mythe : la CB 750.
Première 4 cyl de l’ère moderne, frein à disque à l’avant, 4 pots, un démarreur électrique, de la couleur et des chromes, et des performances dingues à l’époque… la « 4 pattes » est une grosse moto (hé oui les 750 étaient alors des grosses cylindrées) qui reste propre, sans huile suintante un peu partout... aux performances nouvelles grâce à une puissance remarquable.
La moto connaît donc une renaissance extraordinaire sous l'impulsion des constructeurs Japonais. La plupart des inventions (hormis l’électronique et les cartes puces...) ont eu lieu au début de l’histoire et sont reprises notamment les japonais qui ont très bien compris, copié, développé et fiabilisé des procédés existants.
Un marketing très efficace, le concept de moto loisirs et la mode qui répond aux rêves des clients, des pouvoirs d’achats en hausse et le plein emploi (on est encore dans la période dite des « trente glorieuses ») recréent une dynamique qui va redonner un nouvel élan à toute la moto. Les producteurs spécialisent chacun de leurs modèles, élargissant la gamme, répondant aux désirs spécifiques de telle ou telle partie du public. C’est la naissance des marchés spécifiques : les Trails, les GT, les Custom, les Sportives.
Evidemment, les dégâts collatéraux sont importants dans la production européenne. Elle va souffrir de cette concurrence où les japonais sont les mieux placés. Les Anglaises tentent de résister mais vont s’écrouler doucement mais sûrement (BSA, Ariel, Vélocette, Royal-Enfield et les derniers en 78, NVT Norton Villiers Triumph).
Les Italiennes vont perdre Giléra, Benelli, Laverda, Morini …et les Allemandes perdent pas mal de marques mais BMW résiste bien. Les Espagnoles survivent avec un marché intérieur acquis à Ossa, Bultaco, Montesa, Derbi, Sanglas... et en France, Motobécane tente pendant un temps les 125 et 350, bi et tri-cylindres 2T, mais ne peut pas résister à une concurrence bien mieux armée.
C’est l’époque du grand retour des courses d’endurance au Mans, les 1000 Kilomètres en 69, jusqu’aux 24 Heures en 1978 ; et le Bol d’Or au Castellet. Un championnat du monde d’endurance voit le jour, avec 6 épreuves.
Les circuits de légende en France sont : Linas Montlhéry depuis 1924, le Paul Ricard du Castellet depuis 1970, le Bugatti du Mans depuis1966, Charade, Chimay, Ledenon (1973), Nogaro (1960), le Vigeant
Comme chez les Américains, on courre aussi des épreuves de 200 miles (Imola en 1972, le MJ200 en 74 au Castellet). A propos des Etats-Unis, citons ici le Lac Bonneville aux USA, théâtre de nombreux records de vitesse (Cf. voir le film « Burt Monroe »).
Après une longue période où survolent les fabuleuses MV Italiennes aux sonorités envoûtantes, 350 et 500, 3 ou 4 cyl 4T, pilotées entre autres par le grand Giacomo Agostini (15 titres mondiaux au total) et par Phil Read (Anglais aux 7 titres de champion du monde) , les GP de vitesse et le Continental Circus sont marqués par la suprématie des 2T japonais (Yamaha et Suzuki).
Les pilotes participent souvent à 2, voire 3 championnats de front. Ainsi on en voit courir en 250, en 350 et en 500 dans la même journée. A noter que se courraient également le même jour les catégories 50cc, 125cc et les spectaculaires side-cars (les bassets) qui finissaient la journée.
Saluons les nombreux pilotes français de ces années là. Patrick Pons, Michel Rougerie, Thierry Tchernine, Olivier Chevalier, Eric Offenstadt, Alain Michel, Bernard Fau, Gilles Husson, Gérard Choukroun, Christian Sarron, René Guili, Christian Leon, Christian Ravel... et tous les autres, à qui l’histoire de la moto en France doit beaucoup, et qui ont fait rêver toute une génération de motards.
Malheureusement, beaucoup d’entre eux perdent la vie dans des accidents dramatiques, sur des circuits routiers ou sur des circuits dédiés au sport auto beaucoup moins bien équipés qu’aujourd’hui en terme de sécurité... de rares bottes de paille protégeaient parfois les poteaux et les quelques rails métalliques.
Il a fallu que les pilotes s’organisent pour revendiquer des circuits enfin conçus et adaptés aux performances plus grandes de leurs machines, et aux exigences de sécurité et de secours. Le grand et populaire n° 7, Barry Sheene, GB, champion du monde 500 sur Suzuki en 1976 et 1977, y contribua fortement.
Certains circuits ont donc disparu, tandis que d’autres ne sont plus agréés par les instances internationales du sport motocycliste.
C’est notablement le cas du circuit routier de l’Ile de Man, qui depuis 1907 détient le triste record du nombre de victimes de la course moto. Malgré son retrait des championnats, la semaine du Tourist Trophy (le TT se prononce TiTi) reste une institution vivante et très populaire en Angleterre aujourd’hui, et la première semaine de juin voit converger des milliers de motards de toute l’Europe pour cette grande fête de la moto.
Le motard commun est encore vécu comme un « rebelle » qui assume sa différence en pratiquant sa passion qu’il pleuve ou qu’il gèle.
Un cuir noir (Perfecto, Furygan) ou en Barbour (célèbre toile huilée made in Scotland), un jean et des bottes, un Bol (casque minimum en forme de bol retourné sur la tête, par ex. le célèbre Cromwell), un foulard et des lunettes (Climax) font de lui un personnage atypique. Certains font ressembler leurs machines aux machines de courses, à grand renfort d’accessoires (pôts 4 en 1, selle monoplace, guidon bracelets, commandes reculées, …).
Dans la presse papier très lue à l’époque, l’hebdomadaire Moto-Journal (Moto-Canard né en déc 71) va apporter aussi une part de dynamique dans l’essor du monde de la moto. « MJ » et « MR » (Moto-Revue) se tirent aussi la bourre chaque semaine.
On peut également évoquer le monde du cinéma avec les films l’Equipée Sauvage (1954), Continental Circus (1969), le Cheval de Fer (1974), Easy Rider (1969), Challenge One (1971).
Signalons au passage l’excellente « Motostra » festival annuel du court métrage dédié au monde de la moto, crée par la FFMC.
Les « concentres » des années 70 sont autant de prétextes aux rencontres et aux retrouvailles du motard.
Citons les Chamois à Val d’Isère (1965), Andorre, les Millevaches (1969), les Edelweis à Aix les Bains (1969), le Bélier, l'Elan à la Fête de l’Humanité (93), la Salamandre, les Choucas, les Albatros, la Licorne à St Lo (50), les Eléphants en Allemagne, les Marmottes, Coq d'Or à Bourg-en-Bresse (1971), et l'Edelweiss à Aix les Bains (1969)...
Il est fréquent d’y rencontrer des petites (50 et 125cc) et moyennes cylindrées (250, 350cc) qui ont parcourues des centaines de bornes par tous les temps. Les pannes, les « bourres », et les nuits autour des feux de camp écrivent aussi l’histoire mythique de ces rassemblements.
C’est l’époque des rivalités entre les « 4Temps poussifs qui fuient » et les « 2Temps pointus qui puent », objets de tous les discours où la mauvaise foi et l’humour dominent.
En effet certains constructeurs, Yamaha, Suzuki et Kawasaki notamment (mais aussi MZ, CZ, Jawa, et les marques Espagnoles), produisent encore quelques 2T nerveux et pêchus qui fumaient plus ou moins ...
Mais c’est aussi l’époque de la « fraternité » de la confrérie des Motards, dans une société moins marquée par l’individualisme, dans laquelle se développent encore des luttes ouvrières et des occupations d’usine (ex. « les Lip » et les coopératives autogestionnaires)
Pour le plaisir, voilà comment est simplement lancée l’invitation de la 1° édition des Millevaches en 1969 : « Motocycliste...Toi qui aime ton indépendance, rouler hiver comme été, faire des kilomètres pour le plaisir de rouler le nez au vent, pourquoi ne viendrais-tu pas me rejoindre au Plateau de Millevaches le 6 et 7 décembre 1969. Nous nous y retrouverons nombreux pour y fêter notre culte du deux et trois-roues. Pour cela, il n’est besoin que d’amener sa passion et sa moto. Je t’attends donc le samedi 6 décembre au Mont Audouze (près de Meymac – Corrèze). » Michel PerdrixL’histoire de la moto c’est aussi l’usage au quotidien par tous les professionnels, de la presse et des médias, des coursiers dans les villes, de la gendarmerie et de la police, des escortes du populaire Tour de France cycliste… etc. Autant d’occasions qui ont permis le maintien de la moto dans l’histoire populaire et dans l’imaginaire des gosses.
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